Les capitalismes à l’épreuve du climat

Publié le 17 octobre 2025

Un nouveau livre de Michel Damian, professeur honoraire d’économie à l’Université Grenoble Alpes, où il enseignait à la Faculté d’économie. Il est ancien directeur de département à l’Université Senghor d’Alexandrie. Il est éditeur, avec Jean-Christophe Graz, de l’ouvrage Commerce international et développement soutenable (Economica, 2001). En 2015, il a publié Les chemins infinis de la décarbonisation (Campus ouvert/L’Harmattan).

Il sera disponible en librairie le 23 octobre 2025. Il a pour sous-titre : « Entre échec à endiguer le réchauffement et transition énergétique (1950-2050) »

Voici une partie de l’introduction qui résume l’idée contenue dans cet ouvrage :

« Le monde dont on hérite et le monde qui vient

L’idée qui structure la thèse de cet ouvrage, et qui est aussi sa proposition conclusive, est la suivante : une révolution énergétique et industrielle est engagée, elle prendra des décennies ; elle est partie pour transformer le capitalisme, sûrement aussi les relations entre grandes puissances, et façonner le futur bien au-delà de la seule question du climat. La rapidité avec laquelle il faudrait qu’elle devienne effective le retard accumulé depuis trente ans étant ce qu’il est – laisse cependant à penser qu’elle ne suffira certainement pas pour atteindre la neutralité carbone dans les temps impartis, ni à endiguer des dérèglements qui s’accélèrent. Comment en est-on arrivé là ? Si l’histoire a un sens, il est ici double ; et c’est cette histoire qu’il nous faudra tenir par les deux bouts. En voici les points saillants.

L’immense ambition de la Convention climat de 1992 – enrayer l’essentiel du réchauffement d’origine anthropique – est inaccessible. Elle a été portée sans volonté suffisante par une communauté internationale fragile et divisée, soumise au diktat des pays producteurs de pétrole et des industries fossiles. Le Protocole de Kyoto, signé en 1997 – l’hypothèse d’un marché international de permis CO2, voulu par les présidents George Bush puis Bill Clinton –, a été emporté par la montée de la rivalité entre les États-Unis et la Chine. C’est la raison décisive, et trop peu notée, de son échec retentissant. Le télescopage entre le climat, la géopolitique et la géoéconomie, c’est- à-dire les relations politiques et économiques entre puissances, est ancien. Il apparait dès l’entame des négociations à la fin de la décennie 1980. On ne parlait pas encore d’« Occident collectif » en butte au « Sud global », mais ça en était l’amorce.

En 2015, l’Accord de Paris représenta un double tournant. Tout d’abord, il a réorienté la politique climat sur les seules propositions volontaires des États : des promesses de réduction des émissions pour tous, des engagements pour personne, rien de plus.

Ensuite, et cela n’a pas été crié sur les toits de Paris, le succès à long terme de son objectif – ne pas dépasser 2°C de réchauffement sur le siècle –, était subordonné à ce que l’on appelle le « solutionnisme technologique », soit retirer massivement du CO2 de l’atmosphère, en recourant en particulier à des technologies balbutiantes de capture du carbone à la sortie d’installations industrielles et énergétiques. Le capitalisme sortira de la Conférence de Paris potentiellement régénéré par les investissements engagés pour la transition énergie-climat.

D’ici une génération, ce capitalisme, que nous avons qualifié de « climatique », se sera consolidé. La Chine sera devenue, avec l’appui des pays du Sud, le leader climat, sans aucun doute par son poids matériel dans notre futur carboné, mais surtout comme une des forces motrices de la transition énergétique, avec certainement un nouvel ordre entre puissances. On s’est mépris quant à la compréhension des enjeux des négociations : le climat, c’est de l’économie, avec des passions qui s’exacerbent, une volonté de revanche des pays du Sud, et une concurrence acharnée, notablement entre les capitalismes américain et chinois.

Des luttes réactivées entre nations, et des guerres meurtrières, auront un impact sur le multilatéralisme climatique. Elles en compliquent déjà la fragile diplomatie.

Les préoccupations et ambitions de réduction des émissions de gaz à effet de serre pourraient descendre de plusieurs crans dans l’ordre du jour international.

En 2050, le monde sera plus carboné, avec une augmentation des émissions et de la teneur en CO2 de l’atmosphère ; il sera aussi inévitablement plus chaud. L’adaptation au changement climatique des sociétés, dans leur extrême diversité, est déjà notre présent.

Nous entrons dans un second temps de la diplomatie et de la gouvernance climat, où il va s’agir d’aller au-delà des seules stratégies de réduction des émissions : le monde du dépassement de la cible de 1,5°C de réchauffement est déjà compris comme celui de l’adaptation et des dommages irréparables ; avec une réflexion latente, car taboue et inquiétante, sur la géo-ingénierie solaire.

On ne sortira pas aisément des énergies fossiles, c’est-à-dire du charbon, du pétrole, et du gaz. Il sera difficile d’être à l’échelle des ambitions, même avec les progrès des énergies renouvelables, pourtant parties pour se déployer massivement dans la production d’électricité. Il ne faut pas sous-estimer l’histoire qui nous emporte. Le temps est loin où Laurent Fabius, président de la COP21, déclarait, le 12 décembre 2015, l’Accord de Paris « sera un tournant historique. Le succès est à portée de toutes nos mains réunies. » – paroles mémorables. On s’est un temps imaginé pouvoir « sauver le climat » – a minima stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à leur niveau actuel –, c’est devenu hors d’atteinte.

Nous sommes confrontés à un tournant réaliste des politiques climatiques. Et le réalisme, ou plutôt la lucidité – qui n’est ni doute sceptique, ni résignation –, est un moment déstabilisant. On sait que la vie ne sera plus tout à fait pareille. »

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